Prisonniers politiques : membres des Premières lignes transférés dans d’autres prisons illégalement

Chloé Garcia Dorrey, journaliste indépendante.

 

Vendredi 7 janvier, des membres des Premières lignes du Portal Resistencia ont été transférés des prisons de la Picota et de la Modelo basées Bogotá vers d’autres centres pénitenciers de haute sécurité à Valledupar et Gijón, Le transfert a été organisé par l’Institut national pénitentiaire et carcéral (Inpec) sans avertir les familles qui ont apprises l’informations à travers les médias.

Les membres des Premières lignes du Portal Resistencia sont Sergio Andrés Pastor González, alias 19 et Sainea Rubio Johan alias Calarca que j’ai rencontrés lors d’un reportage photographique dans la cadre du Paro Nacional 2021. Les deux ont été capturés par les forces de l’ordre pour avoir manifesté contre le gouvernement auprès des Premières lignes du Portal Resistencia. J’ai en aucun vu des actes de violences auprès des Premières lignes, il s’agit de jeunes conscients de la corruption et du manque d’opportunité du pays, fatigués d’un conflit armé dont les accords de paix ne sont pas respectés par le président Iván Duque.

Porte-parole du mouvement, Sergio a été arrêté par les forces de l’ordre le 28 juillet et depuis, sa mère Lorena González n’a pu lui rendre visite qu’une seule fois. Le procès a lieu seulement le 17 janvier de cette année, malgré de nombreuses tentatives les avocats se sont montrés très peu présents, ralentissant le processus judiciaire. Suite aux transferts annoncés hier, Lorena d’entrer en contact avec l’avocate qui n’a pu obtenir d’informations et lui a seulement indiqué que « la situation était grave ». Cette dernière avait noté la dégradation physique et mental du prisonnier politique lors de sa dernière visite le mois dernier lorsqu’il s’est retrouvé en isolement avec aucun accès aux toilettes ni à l’eau sans payer.

L’Inpec justifie ce transfert suite à la réaction de 19 sur les réseaux sociaux après la mobilisation réprimée à Molinos un quartier de la capitale colombienne, le 5 janvier. En aucun cas, Sergio n’a donné d’ordre ou de directives aux premières lignes précise la maman. Depuis le 28 juillet, les forces de l’ordre tentent de l’inculper pour terrorisme et pour violences aggravées sur des forces de l’ordre sans aucun justification. Il s’agit d’un cas de « falso postivo judicial » faisant référence aux scandales des 6402 falsos positivos orchestrés sous la présidence d’Álvaro Uribe, ce qui signifie inculper des innocents avec de fausses accusations.

Les prisons de Valledupar et Gijón sont considérés comme lieux de torture et de violations de droits humains. La famille de 19 craint que son fils soit torturé. Ce fait intervient dans un contexte répression suite aux manifestations organisées lors du Paro Nacional. Lorsque j’ai suivi le mouvement des Premières lignes du Portal Resistencia, la maire Claudia López venait de militariser Bogotá et le gouvernement a commencé à classer le mouvement comme « terroriste ». Depuis une semaine, une loi de sécurité citoyenne a été approuvée par la Chambre des représentants, cherchant d’après le gouvernement à à répondre à la « vague d’insécurité » dû au Paro Nacional. Elle a été critiquée par l’opposition qui voit à travers cette loi une « criminalisation » des manifestations avec pour finalité d’augmenter les peines liées aux protestations. Le sénateur Iván Cepeda du parti de gauche Polo Democrático Alternative (PDA) a pointé du doigt son atteinte au « droit de réunion et d’association » ainsi que son atteinte à la « légitime défense privilégiée ». Enfin, selon le candidat du Pacte Historique, Gustavo Petro, cela montre « la croissance du paramilitarisme ». Cette loi est approuvée quelques mois avant l’élection présidentielle qui se déroule en mai 2022 afin de créer un contexte de peur et décourager les Colombien.nes à manifester.

 

Chloé Garcia Dorrey, journaliste indépendante.